Visiter les traces du passé pour comprendre le présent

Roça Vista Alegre

Roça Bela Vista (Santo Amaro)

LES ROÇAS, PLANTATIONS COLONIALES

On appelle roça, à Sao Tomé et Principe, ce qui serait au Brésil une fazenda, ou, au Mexique, une estancia : une propriété agricole, et, plus précisément, une propriété de plantation. « Roçar », en portugais, signifie égratigner ; mais aussi défricher. Le défrichement des deux îles sous formes de roças a fait plus qu’égratigner le milieu naturel : il a sculpté les paysages et tissé une grande part du réseau de l’habitat rural.

Bien que, en théorie, n’importe quelle exploitation agricole, petite ou grande, installée par le défrichement de la forêt primitive, puisse être appelée roça, le terme est le plus souvent réservé aux grandes plantations de l’époque coloniale, dédiées au café et surtout au cacao, nées du mouvement de « recolonisation » du pays dans la 2ème moitié du 19ème siècle (voit notre chapitre « Une société insulaire et créole »). Le mot roça désigne tantôt l’ensemble de l’exploitation agricole, tantôt le village qui en constituait le centre, et souvent, l’imposant bâtiment du maître, propriétaire ou gérant, qui dirigeait la plantation. La belle époque de construction de ces résidences coloniales fut la période de splendeur cacaoyère des années 1900 à 1920.

Depuis l’indépendance (1975) et la nationalisation des terres qui a suivi le départ des colons, rien, ou presque, n’a été fait pour l’entretien de ces bâtiments. La réforme agraire des années 1990-95, en morcelant ces grands ensembles agricoles par la distribution d’une partie des terres, n’a rien prévu concernant l’attribution des bâtiments centraux, dont la plupart restent propriété d’État. Un État qui n’a su qu’en faire, et qui avait d’autres priorités que la sauvegarde de ce patrimoine historique. Peut-on en outre risquer une hypothèse ? Pour la majorité des Santoméens, ces maisons superbes évoquaient, et évoquent encore, une présence honnie, celle des colonisateurs, qui ont traité la main d’œuvre en esclaves (même après l’abolition de l’esclavage en 1875) et ont dépouillé les propriétaires locaux de leurs terres. Les beaux bâtiments construits en pierre et en ciment, sans aucune inspiration des traditions architecturales locales, sont considérées comme les maisons de l’occupant, et s’effondrent donc dans l’indifférence quasi générale.

La visite de roças fait généralement partie des programmes des agences de voyage opérant sur l’archipel. Les touristes en reviennent souvent navrés de constater les dégâts du temps et du manque d’entretien sur ces bâtiments et affligés des conditions misérables dans lesquelles vivent, ou survivent, ceux qui habitent encore les « senzalas », ces sinistres logements où on entassait la main d’œuvre (l’aspect des senzalas évoque, pour un Français ou un Belge, les corons des cités minières). Pour quelqu’un qui a vu ces roças il y a, ne serait-ce que 20 ans, la dégradation actuelle des bâtiments principaux et la faiblesse des progrès dans les conditions de vie des travailleurs, sont un véritable crève-cœur.

Pourtant, nous pensons, à PTP SANTOLA, que la visite d’une ou deux roças présente l’intérêt de faire comprendre ce qu’a été le passé colonial récent de notre pays. Il faut essayer d’imaginer sur site ce qu’ont été les conditions de vie des travailleurs et travailleuses : la discipline militaire ; l’emploi du temps réglé au son des cloches comme dans un pensionnat ;  le couvre-feu nocturne et les portes qu’on ferme la nuit comme celles d’une forteresse ; les regroupements matin et soir et l’appel, pour repérer les désertions ; l’organisation collective de la vie familiale et sociale, avec les enfants des femmes envoyées travailler aux champs toute la journée qu’on confie à la garde des femmes enceintes ou trop âgées pour le travail agricole, dans des « crèches » bien peu équipées pour cette fonction ; l’absence totale d’intimité dans les senzalas, où les cloisons entre les chambres ne montent pas jusqu’au plafond et laissent deviner tout ce qui se fait dans la chambre du couple voisin… Le petit Musée Historique du centre culturel CACAU, dans la capitale, présente d’intéressants témoignages photographiques de cette époque. Et CACAU organise souvent, notamment au cours de ses soirées du « jeudi culturel » (avec buffet, ballets et musique, voir notre chapitre « Plaisirs de la gastronomie »), des projections d’un film documentaire réalisé en 1908 (à peine 13 ans après l’invention du cinéma), à la gloire de la mise en valeur coloniale des terres, qui montre bien le ballet soigneusement réglé de la main d’œuvre des « serviçais » (les travailleurs « engagés » sur les roças, qui n’arrivaient jamais à en sortir, jusqu’à leur mort). Ce régime de travail a duré, avec la même discipline, jusqu’en 1974. Quand vous visiterez une roça, pensez que les personnes d’un certain âge (disons, les plus de 60 ans) que vous verrez sur place bavarder, jouer aux cartes, laver le linge (les femmes) ou se rendre au travail sur leur lopin de terre, ont connu et éprouvé cette vie-là.

Quelques maisons de maître de ces roças ont été entretenues ou restaurées et restent un témoignage intéressant sur le plan architectural. C’est le cas de celles qui ont été transformées en établissement touristiques : de haut standing sur l’île de Principe (Roça Sundy et Roça Belo Monte) ; plus modestes sur l’île de Sao Tomé : la roça Diogo Vaz (sur la « Route du Nord ») ; près d’elle, la Roça Monteforte (qui fait partie de notre association) ; à São João dos Angolares, la Roça São João. Relativement bien conservées parce que restées utilisées à d’autres fins jusqu’à ces dernières années, et très belles à contempler (on ne visite pas l’intérieur du bâtiment) : la maison de maître de la Roça Bela Vista, à Santo Amaro (à 5 km de la capitale sur la « Route du nord ») ; et celle de la Roça Vista Alegre, dans le district de Mé-Zochi (cette dernière a subi un pillage des appartements, puis a été squattée, mais les façades sont restées superbes ; elle peut être atteinte après une marche d’environ 1h1/2 ou 2 heures depuis Belém, 2h1/4 ou 2h1/2 depuis Monte Café, à faire avec guide ou accompagnateur de notre réseau). Plus modeste (architecture en bois), mais encore debout, car l’exploitation agricole, reprise par un privé, fonctionne encore tant bien que mal : la Roça Soledade, près de São João dos Angolares, sur le sentier de randonnée PP CA 03.

La maison de maître de la roça Bombaim, en montagne dans le district de Mé-Zochi (3 heures de marche depuis Belém, ou, en voiture, 45 minutes ; 55 minutes depuis Monte Café), avec son architecture en bois très originale, au plan en étoile, avait été bien réhabilitée et transformée en un sympathique hôtel dans les années 1990. Très mal entretenue après le décès de son propriétaire dans les années 2010, elle a failli ne pas survivre à la crise de Covid, durant laquelle l’hôtel avait été évidemment fermé ; elle a été sauvée de l’effondrement par une intervention in extremis en avril 2022, pour servir de cadre au tournage d’un film portugais. Le bâtiment est provisoirement sauvé, mais l’intérieur n’a pas été réhabilité et reste inhabitable ; il faudra vous contenter de l’admirer du dehors, dans son cadre de verdure et de montagnes qui a fait comparer parfois la haute vallée du Rio Abade à une « Suisse tropicale ».       

Pour avoir une idée de ce qu’a été la vie dans les sièges des plus grandes roças, celles qui sont maintenant des villages de plus ou moins 1000 habitants, avec des bâtiments de maître dégradés mais encore visibles, des ateliers industriels hors d’état de fonctionner mais que l’on peut encore visiter, et un habitat des travailleurs partiellement rénové : en zone d’altitude, Monte Café, (où nous avons des hébergements) avec son intéressant musée du café, et Milagrosa (à 1h1/4 de Belém sur le PP MZ 03) ; Agua Izé, en bord de mer sur la route du Sud ; la roça Ponta Figo, près de Neves (accessible à pied en moins d’une heure depuis Roça Monteforte), où se trouve une élégante chapelle datant du milieu du siècle dernier ; la roça renommée Agostinho Neto (autrefois, Roça Rio de Ouro), près de Guadalupe sur la « route du Nord », à 6 km de Morro Peixe et de Praia das Conchas, avec son majestueux hôpital à la façade de palais du Grand Siècle, dont l’effondrement partiel en 2020 a suscité, pour une fois, une vague d’indignation populaire, tant ce site, très visité, avait pris valeur de symbole patrimonial. 

Deux petites roças, dont les maisons principales n’ont guère de valeur architecturale, mais dont la disposition des bâtiments permet bien d’imaginer ce qu’a été la vie au temps colonial : Roça Abade, très beau site dans la montagne, accessible à pied par une randonnée de 5 heures aller et retour depuis Belém, 6 heures en partant de Monte Café (également accessible en moins d’une heure en 4×4) ;

Et des dizaines d’autres roças, en beaucoup plus mauvais état de conservation encore. Notamment Roça Bombaim,

Roça Agostinho Neto, l'hôpital autrefois

Photo Agência Lusa

L'hôpital d'Agostinho en 2022

L'entrée de la Roça Belo Monte à Principe

Roça Sundy (Principe) escalier intérieur

Roça Monte-forte, façade avant les travaux de l'annexe hôtelière

Roça São João, (annexe ancien hôpital)

Roça Säo João, un salon

Roça Bombaim, transformée en hôtel en 1997

Roça Soledade, sur le PP CA 03

Chapelle de la Roça Ponta Figo

Forteresse São Sebastião, Musée national

Forteresse São Sebastião, rempart ouest

Forteresse São Sebastião, les appartements du gouverneur

Ponta da Mina, au sommet de la redoute

 

LE FORT SAINT SÉBASTIEN, MUSÉE NATIONAL

Situé près du port de la capitale, le fort São Sebastião est un bel exemple d’architecture militaire de la fin du 16ème siècle ; les bâtiments résidentiels à l’intérieur des remparts ont été remaniés au 17ème.

En 1566, l’ordre est donné par le gouvernement du jeune roi Sébastien de Portugal de construire des fortifications à Sao Tomé, car on craignait une invasion française. Crainte justifiée : l’invasion eut lieu l’année suivante, alors qu’on commençait tout juste à creuser les fondations du bâtiment. Cependant, après quelques jours de pillage, les envahisseurs durent repartir précipitamment, prétendument empoisonnés par le vin de palme offerts par les habitants, en réalité minés par la dysenterie et surtout par les fièvres : le paludisme, aujourd’hui heureusement à peu près vaincu, a autrefois défendu Sao Tomé contre les invasions plus efficacement que les canons et les murailles. Les travaux reprirent par la suite, financés pour moitié par les habitants constitués en municipe, pour moitié par le gouvernement de la métropole. Ils furent achevés dans les années 1580, alors que le Portugal était tombé sous la domination des rois d’Espagne, le souverain espagnol ayant commis à l’élaboration du plan définitif un très célèbre architecte italien de l’époque, Filippo Terzi.

Les canons du fort protégeaient l’entrée de la baie Ana de Chaves, où se trouve la capitale ; mais les envahisseurs étrangers trouvèrent vite la parade. Ils débarquaient sur un autre point de la côte, puis attaquaient la ville par voie de terre, et assiégeaient ensuite le fort à revers. Les murailles épaisses résistaient tant bien que mal aux boulets, mais les attaquants comprirent qu’il fallait utiliser des mortiers, dont le tir en arc de cercle au-dessus des remparts atteignait, à l’intérieur, les bâtiments abritant le gouverneur, les notables et la garnison ; lesquels ne tardaient pas à se rendre. Ainsi, le fort et la ville furent conquis deux fois par les Hollandais : la première fois, en 1599 ; la seconde en 1641 – cette fois-là, l’occupation hollandaise de l’île dura plus de 7 ans. En 1709, au cours de la Guerre de Succession d’Espagne, Louis XIV envoya une expédition conquérir l’île ; les troupes du Roi-Soleil débarquèrent au lieu qui a gardé, depuis, le nom de Praia Francesa (à l’extrémité de l’actuel aéroport), pénétrèrent dans la ville où eurent lieu de violents combats de rue, et finirent par enlever le fort malgré une défense héroïque. Cette fois encore, les ravages des fièvres paludéennes décimèrent le corps expéditionnaire, qui dut évacuer l’île, tout en emportant un important butin ; ce qui empêcha Sao Tomé de devenir possession française et de se transformer en une Guadeloupe ou une Martinique africaine francophone.

Désaffecté, mais restauré dans les années 1960, le fort São Sebastião devint, à l’indépendance, Musée National de Sao Tomé et Principe. Nous vous engageons à le visiter. Prix de l’entrée : 2€. Il abrite, dans une présentation un peu désordonnée, de nombreuses œuvres d’art sacré des 17ème et 18ème siècles, dont quelques-unes, typiques du baroque portugais, d’une belle facture artistique. On y verra aussi quelques pièces de mobilier et de vaisselle provenant des roças de la fin du 19ème siècle ; et de terribles photos témoignages des exactions coloniales connues sous le nom de « massacres de Batepá », survenus en 1953. Évidemment, il est intéressant de se faire accompagner par un guide qualifié en matière historique. A défaut, explications fournies par le personnel du musée, s’il n’est pas trop débordé par une affluence de visiteurs ce jour-là ; en ce cas, il est bienvenu de laisser un petit pourboire en sortant.

VESTIGES D’ARCHITECTURE MILITAIRE À PRINCIPE : LA FORTERESSE DE PONTA DA MINA

Tout comme la baie Ana de Chaves à São Tomé, la baie, beaucoup plus profonde et étroite, où s’abrite Sant Antonio, petite capitale de l’île de Principe, se devait d’être protégée par des batteries de canons logées dans une forteresse. Celle-ci fut érigée sur la rive orientale de la baie, sur une falaise abrupte formant une pointe, Ponta da Mina. Ce fut au 16ème siècle un simple fortin en bois, mais rendu difficile à conquérir par le caractère abrupt du relief et la densité de la végétation tropicale, comme en témoigne le récit hollandais d’une tentative infructueuse menée en 1599. C’est précisément durant une autre occupation hollandaise, celle de Sao Tomé entre 1641 et 1649, que fut prise par le gouvernement portugais, resté maître de l’île de Principe, la décision d’édifier à cet endroit des fortifications « à pierre et à chaux ».  La construction d’un ensemble de redoutes, plateformes, magasin à poudre, et casernements semi-enterrés fut achevée en 1695, alors que Principe devenait le siège d’un important entrepôt d’esclaves destinés à l’exportation vers l’Amérique espagnole par la « Compagnie de Cacheu ». Pourtant, une expédition française réussit à s’en emparer brièvement en 1706. Elle tomba de nouveau aux mains des Français sous le Directoire, en 1798, sans combat : le commandant de l’expédition navale française, le capitaine Landolphe, avait des intelligences dans la place, et réussit à se faire livrer l’île de Principe sous la menace d’y inciter les esclaves à se soulever pour obtenir leur libération au nom des idéaux de la Révolution française. Les Français évacuèrent l’île après de fructueuses transactions. La forteresse fut restaurée et renforcée en 1809, dans la crainte d’une invasion napoléonienne. Complètement abandonnée à la fin du 19ème siècle, elle fut rapidement envahie par la forêt vierge, sans même que les autorités prennent la peine d’en déménager les canons, d’un modèle vétuste et sans doute inutilisables. Une petite équipe anglaise d’amateurs appuyés par l’université de Salford tenta de dégager les ruines dans les années 2005 à 2009, mais l’effort n’a pas été poursuivi, et la végétation a reconquis les vestiges exhumés. PTP SANTOLA tente d’obtenir des autorités locales que soient au moins débroussaillés les abords du site pour rendre plus facile la compréhension de ce qu’a été cette forteresse.

Église Madre de Deus, portail Renaissance

Église de la Conceição blason royal

Église de la Conceição, autel baroque

Église paroissiale de Santo António do Principe

ÉGLISES

Pays de forte tradition catholique (Sao Tomé fut le siège du premier évêché d’Afrique subsaharienne, créé au  début du 16ème siècle), l’archipel compte bien évidemment de nombreuses églises. Huit des neuf églises paroissiales actuelles du pays sont déjà mentionnées comme existantes vers 1520. C’était à l’époque des constructions en bois, mais elles furent peu à peu remplacées par des édifices construits en pierre. Toutefois, elles n’ont pas été conçues pour accueillir beaucoup de fidèles : la population totale n’a probablement jamais dépassé 20 000 habitants jusqu’à l’époque contemporaine (200 000 actuellement), et surtout, la majorité de cette population était formée par les esclaves des roças, qui n’étaient pas incités à assister à la messe avec les paroissiens de condition libre, mais tout au plus à des offices en plein air ou dans une chapelle sur leur lieu de travail. Les églises ne sont donc pas de grandes dimensions, et leur architecture suit, dans la plupart des cas, le plan très simple de beaucoup d’églises de village au Portugal : une nef rectangulaire, le plus souvent sans transept, flanquée d’un clocher carré (deux clochers en façade dans le cas de la cathédrale). Une seule exception : un joli petit édifice baroque de la capitale, construit dans la deuxième moitié du 18ème siècle, qui n’a jamais eu le statut d’église paroissiale, et est aujourd’hui désaffecté : l’église du Bom Jesu, place de l’UCCLA, avec un original clocher hexagonal, et la découpe en accolade de sa façade. Pas de chef d’œuvre d’architecture, donc ; mais une charmante simplicité, et, pour certaines églises, des éléments, non pas architecturaux, mais ornementaux, de valeur artistique intéressante.     

La cathédrale est dédiée à la Vierge Marie, bien sûr, comme il se doit dans un pays de culture ibérique : Nossa Senhora da Graça. Le bâtiment actuel, commencé en 1576, n’a été terminé qu’au 19ème siècle ; la façade fut ensuite remaniée dans les années 1950, par une surélévation peu heureuse des deux clochers. L’intérieur est décoré, à la mode portugaise, de panneaux d’azulejos (carreaux de faïence aux motifs figuratifs dans les tons bleus) de fabrication récente (milieu du XXème siècle).

Autres églises notables de la capitale :

L’église de Madre de Deus (la Mère de Dieu), située vers la sortie de la ville, à 2 km du centre en allant en direction de Trindade, conserve de l’époque de sa construction (la deuxième moitié du 16ème siècle) un très beau portique d’entrée, en marbre sculpté, très typique de l’art Renaissance italianisant, avec son fronton triangulaire supporté par des pilastres à chapiteaux corinthiens, et ses « macarons » (figures sculptées) représentant les donateurs qui ont fait construire l’église – une grande famille créole de l’aristocratie sucrière, dont les tombeaux ornés d’azulejos peuvent être vus à l’intérieur de l’église.

L’église de la Conception, au centre-ville, ne garde de l’époque de sa construction (la Renaissance, également) que peu d’éléments : le plus visible est un blason aux armes des rois du Portugal, sur le mur extérieur nord. Mais l’intérieur présente un bel autel de la première moitié du 18ème siècle, aux colonnes torsadées, caractéristiques d’une mode qui prévalut à l’époque baroque, à l’imitation des colonnes du baldaquin de Saint Pierre de Rome. 

Mérite d’être vue la petite église de Pantufo, banlieue de la capitale, de construction bien plus récente (début du 20ème siècle), avec son toit de tuiles romanes au bords relevés qui lui donne un curieux air de construction chinoise, plantée face à la mer. 

En dehors de la capitale, méritent le détour :

L’église Sainte Anne, dans la ville de Santana (route du Sud), joliment campée sur la rade aux eaux bleues, fut construite dans la première moitié du 16ème siècle, mais reconstruite en 1940 ; elle garde de cette première époque une statue en marbre de Carrare, objet d’une grande dévotion chez les fidèles du district. Cette statue représente la sainte en personne âgée, avec sa fille, la Vierge Marie, assise sur ses genoux, qui porte elle-même l’enfant Jésus ; iconographie traditionnelle vouée à célébrer le lien de tendresse entre générations, de la grand-mère au petit-fils. La statue est authentifiée comme provenant d’un atelier de Florence, et date probablement des années 1520 ou 1530. Il est étonnant de penser que, en ce début du 16ème siècle, une famille de grands planteurs sucriers de Sao Tomé, qui fit édifier l’église, avait les moyens, et l’idée, de commander en Italie une statue de cette taille, qu’il a fallu livrer à bord d’une caravelle. 

L’église de la Sainte Trinité à Trindade : de formes simples et pures, avec son haut clocher carré, elle vaut surtout pour son site d’acropole où l’on accède par de majestueux escaliers, la vue qu’on peut avoir du parvis et surtout du haut du clocher (quand on peut y accéder), et par le souvenir historique de la révolte d’esclaves de 1595 qui y a débuté, sous le commandement d’Amador.

L’église de Madalena (dans le district de Mé-Zochi) est une des plus anciennes églises paroissiales du pays. Elle reste une humble église de village, mais la vue du haut de son clocher est impressionnante.

A Bombom, banlieue de la capitale sur la route du Sud, l’église Nossa Senhora de Fatima est une construction typique des années 1950, avec sa façade en béton brut.

A Santo Antonio do Principe, la charmante église paroissiale actuelle est dédiée à Notre-Dame du Rosaire ; mais la dévotion à Saint Antoine, patron de la ville, de l’île, et également de la ville de Lisbonne, se manifeste par de nombreux ex-voto, à l’intérieur de l’église et sur la place, ce qui fait qu’elle est souvent appelée Église Saint Antoine. En réalité, l’église qui portait le nom de ce saint, est une construction du 18ème siècle, qui a été aussi dédiée à l’Immaculée Conception, et dont la silhouette un peu massive malgré ses courbures baroques, sur la place principale, contraste avec la belle façade rectiligne du Palais du Gouvernement situé sur un autre côté de la même place. Cette église-là a été désaffectée, et, après bien des vicissitudes, sert depuis peu de siège à l’Assemblée Régionale de l’île.   

São Tomé, la cathédrale

Azulejos dans la cathédrale

São Tomé capitale, église du Bon Jésus

Église de Pantufo

Église de Santana

À Santana, Sainte Anne, la Vierge et l'enfant

Dévotion à Sainte Anne

Église de Trindade

Ex- église du 18éme siecle à Principe

Palais présidentiel

Tribunal

Maison de la culture

Maison à azulejos dans la capitale, rua de Moçambique

Casa Epifania, Praça da Independência

AUTRES MONUMENTS REMARQUABLES

La Capitale Sao Tomé offre au regard quelques belles maisons de l’époque coloniale ; deux, encore assez bien conservées, aux façades ornées de carreaux de céramique à la mode portugaise ; d’autres où les styles Art Nouveau des années 1900-1920, puis Art Déco des années 1920-1930, utilisent les ressources du béton précontraint, soit pour imiter les claustras en bois de l’architecture traditionnelle de l’archipel (dans le style Art Nouveau), soit pour créer des surfaces planes d’une géométrie supposée fonctionnelle (dans le style Art Déco). A remarquer aussi : des maisons tout à fait dans le style des villas de Deauville ou de La Baule de la Belle Époque, avec leurs toits à forte pente, les lambrequins qui ornent les avant-toits, les encadrements de fenêtre soulignés par des motifs de brique ou des moulures en ciment. Tous ces témoignages architecturaux, épars dans la ville, rappellent qu’il y eut ici une société coloniale opulente, qui suivait les modes de l’Europe, plaquée sur une autre société, créole, celle-là, dont l’architecture en bois n’a pas laissé de monuments durables. Le souvenir de la seconde est cependant assez vivant pour continuer à inspirer la construction actuelle des maisons en bois, qui restent majoritaires dans le pays.

Quelques édifices publics présentent un aspect monumental assez harmonieux : le Palais du Peuple (c’est ainsi qu’on appelle officiellement le palais présidentiel), construit au cours de la première moitié du 20ème siècle pour les gouverneurs coloniaux ; l’actuel bâtiment du Tribunal et du Cartório (office notarial public), bel édifice classique de la fin du 19è siècle, qui occupe l’emplacement de l’ancien hospice de la Misericordia (qui datait, lui, du 16ème siècle, mais dont il ne subsiste que des éléments de réemploi). Le centre de spectacles Marcelo da Veiga, ancien cinéma Império au temps de la colonisation salazariste, est un assez bon exemple de l’utilisation des fondements de l’Art Déco par l’architecture monumentale des régimes fascistes.

Les amateurs de l’architecture adaptée d’anciennes friches industrielles apprécieront le bâtiment du centre culturel CACAU, qui utilise une ancienne gare et entrepôt des chemins de fer publics de l’île de Sao Tomé, en service dans les années 1920-1930 ; on admirera, à l’intérieur, la superbe charpente apparente en bois qui supporte le toit, ouvrage entièrement restauré très récemment. Le centre CACAU est à visiter, non seulement pour cela, mais surtout pour le Musée historique qu’il abrite ; pas beaucoup d’objets anciens, mais des panneaux explicatifs illustrés de dessins ou de reproductions de gravures d’époque, très pédagogiques, sur l’histoire du pays, l’esclavage et la traite négrière, le système des roças ; et des photos d’archive sur la vie dans les roças au tout début du 20ème siècle. En outre, une exposition permanente sur le Tchiloli, ce spectacle de rue emblématique de la culture santoméenne ; des expositions temporaires d’artistes locaux (peintres, sculpteurs, photographes) ; et, ce qui ne gâte rien, un excellent restaurant, ouvert tous les jours sauf le dimanche, mais fameux pour ses soirées du jeudi (buffet de spécialités locales avec spectacle de ballet et chansons, voir notre chapitre « Plaisirs de la gastronomie »).  

Centre culturel CACAU

Ancien cinéma Imperio devenu centre culturel Marcelo da Veiga

Belle construction récente

Traduction